ILOTS
Série Photographique
L’élément central est entouré d’eau mais on remarque qu’il est lui-même immergé.
La blancheur immaculée qui l’entoure déroute et contraste avec sa noirceur. Un regard aiguisé sur cet élément central questionne. Que représente-t-il pour celui qui le regarde ? Que symbolise-t-il pour le spectateur ?
Le cadrage resserré sur cet élément circulaire brouille les pistes. Son contour est net, le souligne et pointe l’ambiguïté de la photographie. Le mot « Ilot » évoque à la fois l’isolement et un espace ouvert sur l’extérieur. L’ îlot devient tour à tour un refuge, évoquant un cocon, un endroit retiré du monde et préservé de la folie des hommes mais aussi un espace clos, isolé et enfermé dans sa propre solitude. Il se compose d’éléments végétaux et animaux, flottant à la surface de l’eau et contenus dans une succession d’éléments circulaires. Poésie et rigueur se côtoient. Les lectures sont multiples et ouvrent le champ de l’interprétation.
Ces photographies demeurent énigmatiques et interpellent le spectateur. Elles mettent également deux thèmes centraux sur le devant de la scène : la vie et la mort sans spécifier les éléments qui symboliseraient l’un ou l’autre, laissant au spectateur le choix en fonction de son propre ressenti.
Elles se veulent un clin d’oeil à la 14ème édition de la Biennale de Lyon en 2017 qui avait pour intitulé : « Mondes flottants ». La Biennale s’était déployée comme un voyage au sein d’un archipel d’îlots qui étaient tour à tour des scènes ou des haltes propices au ralentissement, générant tour à tour émerveillement, prise de conscience, contemplation ou réflexion. Une manifestation aussi poétique qu’en prise directe avec son époque.
Les photographies des « Ilots » font écho à « Clinamen v2 » oeuvre de l'artiste Celeste Boursier-Mougenot visible sous le dôme installé place Antonin Poncet lors de cette biennale d'art contemporain de Lyon.
« Clinamen v2 » se présente comme une piscine bleutée, à la surface de laquelle des bols de porcelaine blanche évoluent et tintinnabulent, créant ainsi un paysage visuel et auditif à la fois apaisant et immersif. Les récipients, qui se percutent dans un bassin circulaire sous l’effet d’un léger courant, produisent une mélodie similaire à celle générée par des bols tibétains. Étroitement liée à l’architecture du dôme de Buckminster Fuller, l’installation se transforme en constellation sonore et en une expérience d’écoute exceptionnelle.
Lorsque l’on observe les « Ilots », on pense également à « Matrix », une oeuvre de Rei Naito réalisée en 2010 en collaboration avec l’architecte Ryue Nishizawa et installée de façon pérenne sur l’île de Teshima au Japon. Bernard Blistène, directeur du Musée national d’art moderne-Centre Pompidou et grand admirateur de l’artiste, écrivit de sa rencontre avec Matrix : « Imaginez un dôme de fin béton blanc sans pilier pour le soutenir, percé de deux alvéoles, posé tel une soucoupe dans un champ aux côtés d’un autre plus petit, lui-même sans autre ouverture que celle d’une porte minimale. Imaginez une architecture dans laquelle la pluie, les insectes, les oiseaux et les rayons du soleil pénètrent. (…) Sous mes pieds, tout autour de moi sur le sol de ciment gris, apparaissent des gouttes d’eau semblant éclore du sol par de minuscules ouvertures. Des « naissances latentes ». (…) Puis je les ai vues saillir, se mettre doucement en mouvement, se rejoindre pour former de simples filets et de toutes petites flaques. Elles s’animaient tout autour de moi, se réunissaient et se séparaient, allaient à la rencontre d’autres, telles ces cellules que l’on observe grouiller au microscope. La vie! »