Geraldine Wilcke - Les architectures de l'ombre IV

A travers la série intitulée « Les architectures de l’ombre IV », j’ai voulu repousser les limites de notre perception en complexifiant mes compositions. Les petites plaques de Plexiglas ont laissé place à de larges bandes en acrylique, façonnées à l’aide d’une plieuse thermique. Les sculptures obtenues ont ensuite été éclairées soit par une source lumineuse artificielle, soit par la lumière naturelle.

La lumière, en traversant le matériau, crée une illusion déroutante en prolongeant la forme, l’étirant, la transformant. L’effet de profondeur est accentué, créant de véritables constructions qui semblent tantôt posées, tantôt en lévitation. La sculpture de départ prend une toute autre dimension, brouillant ainsi les pistes entre le réel et l’irréel. L’illusion est telle que l’on ne sait parfois plus si la forme observée est tangible. On ne distingue plus ce qui est existant et ce qui appartient au domaine de l’illusion.

Pas de montage ni de trucage, seule la lumière joue le rôle de prestidigitateur. Elle joue avec nos sens, notre perception, nous guide, nous trompe . Notre oeil tente de comprendre comment l’image a été construite et s’interroge. L’oeuvre existe-t-elle vraiment ?

Elle ne peut pas être réduite ici à une « simple » photographie. L’acte de photographier prend ici tout son sens. Il permet de fixer ce mirage qui disparaît, une fois la lumière éteinte. Je joue ensuite avec ma sculpture, la tourne, la positionne d’une autre façon et une nouvelle architecture s’offre à moi. Un « jeu » addictif.

« Tout ce qui trompe ensorcèle » disait très justement Platon. L’illusion a pour objectif de dérouter, de faire vaciller nos sens pour voir le monde différemment. L’illusionniste comme l’artiste construisent tous deux une perception dans l’esprit du spectateur. L’art et la magie sont-ils si différents l’un de l’autre ? Une phrase de Paul Virilio me vient à l’esprit : « Le monde de la magie est une illusion et l’art est de présenter l’illusion du monde ».

With the series "Architectures of Shadow IV", I wanted to expand the limits of perception by making my compositions more complex. The small sheets of Plexiglas that I was using gave way to large acrylic strips, shaped with a thermal bending machine. I then lit the resulting sculptures either with an artificial light source or with natural light.

The light, passing through the material, creates a disconcerting illusion by extending the form, stretching it, transforming it. The effect of depth is accentuated, producing real constructions that seem to be either placed there or levitating. The original sculpture takes on a whole new dimension, blurring the lines between the real and the unreal. The illusion is such that one sometimes does not know any more if the visible form is tangible. One no longer distinguishes between what exists and what belongs to the realm of illusion.

There is no editing or trickery, only the light playing the role of conjurer. It plays with our senses, our perception, guides us, deceives us. The eye tries to understand how the image was built and wonders: does the work really exist?

It cannot be reduced to a "simple" image. The act of photographing takes on its full meaning here. It allows me to capture this mirage that disappears once the light is turned off. I then play with my sculpture, turn it, position it in another way and a new architecture is offered to me: an addictive "game".

"Everything that deceives bewitches", said Plato quite rightly. Illusion aims to confuse, to make our senses waver in order to see the world differently. The illusionist as well as the artist both build a perception in the spectator's mind. Are art and magic so different from each other? A phrase from Paul Virilio comes to mind: "The world of magic is an illusion and art is to present the illusion of the world".